Il y a 230 ans.
-Aller Feuille, fais pas l’idiot, montre toi !
Le jeune daendil sauta d’un tronc mousseux et atterit dans une clairière verdoyante, un air las sur le visage. Il enjamba quelques vieilles pierres, ses bras balants comme s’il s’ennuyait.
-Je sais que ta punition était injuste mais c’est pas la peine de te mettre dans cet état !
Il poussa à nouveau un soupir en arrachant une branche d’un buisson à sa portée. Les oiseaux ne chantaient plus et la fine brise de Féralas était tombée. Fallae s’arrêta et fronça les sourcils, inquieté par cet inhabituel silence. Un nuage passa dans le ciel et obscurcit la clairière, effaçant le vert éclatant pour une couleur grise terne. Le reste de la forêt n'était que pénombre par rapport à cette ouverture sur le ciel.
-Feuille ?
Dans le silence des sanglots retentirent distinctement de derrière un gros rocher moussu. Le jeune randir poussa un soupir de soulagement, heureux de ne plus être seul dans cette atmosphère oppressante et bondit agilement entre les buissons pour rejoindre les pleurs de son frère derrière la grosse pierre.
-Ha ben t’es là ! Où t’es…
Le spectacle qui s’offrit à lui, lui coupa le souffle. Un elfe encore plus jeune que lui se tenait replié sur lui même, la tête dans les genoux. Tout aurait pû paraître normal si ses bras et ses mèches de cheveux n’étaient pas teintées de rouge et devant lui gisant un énorme animal faisant quatre fois sa taille. Ce qu’il en restait rendait difficile son identification. L’ours était éventré, côtes écartelées, dévoilant poumons, cœur et tripes à moitié dévorés par une bouche pas plus grande que la sienne. Le crâne de l’animal était éclaté et la cervelle dégoulinait lentement sur la terre humide. Les mouches arrivaient à peine devant ce festin. Le plus jeune redressa lentement la tête, son corps parcouru de sanglots et se tourna vers son frère. Il dévoila son visage recouvert de sang jusqu'au nez.
- Qu’est ce qu’il m’arrive ? dit il de sa voix chevrotante.
Son frère encore béat devant la scène répondit au bout d’un petit moment.
-V…Viens petit frère, on dira rien à personne…